Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/504

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mot qu’il donna ne fut entendu que d’un bien petit nombre : la plupart, sans même l’attendre, fondirent impétueusement sur les ennemis en poussant de grands cris. Le désordre avec lequel ils chargèrent mit beaucoup d’inégalité et de distance entre les légions. Celle de Messala d’abord, les autres ensuite, outrepassèrent l’aile gauche de César ; et, sans faire autre chose qu’effleurer les derniers rangs et massacrer quelques soldats, elles poussèrent en avant jusqu’au camp de César, où elles arrivèrent, comme il l’écrit lui-même dans ses Mémoires, peu d’instants après qu’il l’eut quitté pour se faire transporter ailleurs, d’après le songe qu’avait eu un de ses amis, nommé Marcus Artorius, et qui donnait avis à César de s’éloigner au plus tôt des retranchements. Cette retraite fit répandre le bruit de sa mort ; car sa litière, qui était vide, fut criblée de coups de traits et de piques. On passa au fil de l’épée tous ceux qui furent pris dans le camp, parmi lesquels étaient deux mille Lacédémoniens, venus tout récemment comme auxiliaires de César. Celles des troupes de Brutus qui ne se portèrent pas sur les derrières de l’aile gauche de César, mais qui l’attaquèrent de front, la renversèrent facilement, à cause du trouble où l’avait jetée la perte de son camp : elles taillèrent en pièces trois légions, et se précipitèrent ensuite dans le camp pêle-mêle avec les fuyards. Brutus était à cette partie de son aile droite.

Mais ce que les vainqueurs ne remarquèrent point, l’occasion[1] le fit apercevoir aux vaincus : elle leur montra l’aile gauche des ennemis nue et séparée de l’aile droite, laquelle s’était laissé emporter à la poursuite des fuyards. Ils fondirent donc sur ces troupes, dont le flanc

  1. Au lieu de l’occasion, ὁ καιρός, des éditions donnent César, ὁ Καῖσαρ. Mais César ne combattait point en personne. Xylander a fait la correction, qui est d’ailleurs appuyée de l’autorité d’un manuscrit.