Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/520

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Rome, trouver de sûreté dans le repos : condamnés à mort et poursuivis par leurs ennemis, ils furent forcés de recourir à la guerre, comme étant le seul asile qui leur restât ; mais, en se faisant ainsi un rempart de leurs armes, c’était plus pour eux-mêmes que pour leurs concitoyens qu’ils s’exposaient au danger. Il n’en est pas de même de Dion : il menait dans son exil une vie plus sûre et plus douce que le tyran qui l’avait banni ; et ce fut dans ce temps-là même qu’il alla se jeter volontairement au milieu des plus grands périls, afin de sauver la Sicile. D’ailleurs, ce n’était pas une même chose pour les Syracusains d’être délivrés de la domination de Denys, que pour les Romains de celle de César. Le premier ne cherchait nullement à dissimuler sa tyrannie, et avait rempli de maux infinis toute la Sicile. César, il est vrai, ne ménagea point d’abord ceux qui voulurent s’opposer à sa domination ; mais, après qu’il les eut vaincus et soumis, il n’eut plus guère que le nom et l’apparence du pouvoir absolu : jamais il ne se laissa aller à aucun acte cruel et tyrannique ; au contraire, il fit voir que, l’état des affaires demandant impérieusement un monarque, Dieu l’avait donné aux Romains comme le médecin le plus doux et le seul capable de guérir leurs maux. C’est pourquoi le peuple regretta César presque aussitôt après sa mort, et se montra implacable dans son ressentiment contre les meurtriers ; tandis que les concitoyens de Dion lui firent un crime d’avoir laissé Denys s’échapper de Syracuse, et de n’avoir pas détruit le tombeau du premier tyran.

Que si l’on considère leurs exploits de guerre, Dion est, comme général, à l’abri de tout reproche : les projets qu’il a conçus lui-même, il les exécute avec une grande sagesse, et répare toujours heureusement les fautes des autres. Brutus, au contraire, paraît avoir manqué de prudence quand il mit toute sa fortune au hasard d’une