Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/532

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pour l’action et pour le conseil. Alors Artaxerxès résolut de ne plus différer de combattre. Il fit une telle diligence, qu’il parut tout à coup en face des ennemis avec une armée de neuf cent mille hommes, tous bien équipés. À sa vue, les troupes de Cyrus furent saisies d’étonnement et de trouble, elles qui, se confiant en leur courage et méprisant les ennemis, marchaient en désordre et sans être sous les armes. Cyrus ne put les ranger en bataille qu’avec peine, et non sans confusion et sans tumulte. Les troupes du roi s’avancèrent lentement et en silence. Les Grecs s’étonnèrent de ce bel ordre dans une si grande multitude : ils s’attendaient à des cris confus, à un grand désordre, et à voir les rangs se séparer et se rompre par l’effet du trouble général. Artaxerxès couvrit le front de sa phalange de ses meilleurs chars armés de faux, et les opposa aux Grecs, afin que l’impétuosité de leur course enfonçât les bataillons ennemis avant qu’ils pussent joindre les siens.

Plusieurs historiens ont raconté cette bataille ; mais Xénophon, entre autres, la décrit si vivement, qu’on croit y assister et non la lire, et qu’il passionne ses lecteurs comme s’ils étaient au milieu du péril, tant il la rend avec vérité et énergie. Ce serait manquer de sens de vouloir la raconter après lui : je me bornerai donc à rapporter quelques particularités qu’il a omises, et qui sont dignes d’être rappelées.

Le lieu où se livra cette bataille se nomme Cunaxa, distant de vingt-cinq stades[1] de Babylone. Avant que la bataille commençât, Cléarque exhorta Cyrus à ne pas s’engager dans la mêlée, et à se tenir derrière les Macédoniens[2]. « Que me conseilles-tu, Cléarque ? répondit

  1. Environ cinq quarts de lieue.
  2. Il faut lire probablement les Lacédémoniens ; car aucun auteur ne dit qu’il y eût des Macédoniens dans les troupes de Cyrus.