Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/541

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grandes et de plus belles récompenses. » L’eunuque reprit en souriant : « Je suis loin de te porter envie, Mithridate ; mais, puisque la vérité est dans le vin, selon le proverbe des Grecs, quel grand exploit est-ce donc, mon ami, d’avoir ramassé la housse d’un cheval, et de l’avoir portée au roi ? » Quoiqu’il parlât ainsi, l’eunuque n’ignorait pas la vérité ; mais il voulait que Mithridate s’ouvrit devant témoins : il provoquait la légèreté d’un homme que le vin avait rendu indiscret, et qui n’était plus maître de sa langue. « Vous pouvez parler à votre aise de housses de cheval et de sottises semblables, reprit Mithridate ; mais je vous déclare, sans aucun détour, que cette main a tué Cyrus. Je n’ai pas porté, comme Artagersès, un coup en vain : j’ai frappé à la tempe, près de l’œil ; et, perçant la tête d’outre en outre, je l’ai fait tomber à terre, et il est mort du coup. » Prévoyant la funeste fin de Mithridate, tous les convives baissèrent les yeux ; mais celui qui donnait le repas, prenant la parole : « Buvons et faisons bonne chère, Mithridate, dit-il, adorant la fortune du roi, et laissant là ces propos, qui sont au-dessus de notre portée. »

Au sortir de table, l’eunuque alla rapporter à Parysatis les paroles de Mithridate ; et Parysatis en informa le roi, qui ne put voir sans indignation Mithridate démentir sa prétention, et lui enlever ce qu’il y avait de plus glorieux et de plus flatteur pour lui dans la victoire ; car il voulait que les Barbares et les Grecs fussent persuadés que, dans les attaques qui avaient eu lieu, et dans le fort de la mêlée, il avait reçu une blessure de son frère, et qu’à son tour il lui avait porté un coup dont Cyrus était mort : il condamna donc Mithridate à mourir du supplice des auges. Or, voici quel est ce supplice. On prend deux auges d’égale grandeur, qui s’emboîtent l’une sur l’autre : dans l’une de ces auges, on couche le condamné sur le dos, et ensuite on applique la seconde sur celle-