Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/544

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de ses amis, de signe et de gage de l’amitié qu’il avait eue pour lui : une danse des Caryatides[1] était gravée sur ce cachet. Ctésias rapporte aussi que les autres soldats qui étaient prisonniers avec Cléarque s’emparaient des vivres qu’on lui envoyait et ne lui en laissaient qu’une très-petite portion, et que lui-même il remédia à cet abus, en obtenant qu’on en donnât à Cléarque une plus grande quantité, et que les autres Grecs fussent servis séparément : il ajoute qu’il fit cela du consentement et du gré de Parysatis ; et que, comme il y avait chaque jour dans les provisions qu’on portait à Cléarque un jambon, Cléarque lui insinua de cacher dedans un petit poignard, afin que sa vie ne fût pas à la discrétion du roi ; mais que, craignant le ressentiment d’Artaxerxès, il refusa de le faire. Il dit encore que Parysatis avait prié son fils de laisser la vie à Cléarque, et que le roi le lui avait promis avec serment ; mais qu’ensuite, à la persuasion de Statira, il fit mourir tous les prisonniers, excepté Ménon ; et que depuis lors Parysatis s’occupa des moyens de faire périr Statira par le poison. Ce récit de Ctésias est invraisemblable ; et il allègue une raison absurde. Car, quelle apparence que, par amour pour Cléarque, Parysatis eût tenté la périlleuse et cruelle entreprise d’empoisonner la femme légitime du roi, dont il avait des enfants destinés au trône ? Il est évident que l’historien invente à plaisir cette partie de son récit, comme une fable de tragédie, pour honorer la mémoire de Cléarque. Il raconte, en outre, qu’après leur mort, les corps des officiers furent déchirés par les chiens et les oiseaux de proie ; mais qu’un tourbillon de vent s’éleva tout à coup, et amoncela sur celui de Cléarque une grande quantité de sable : ce sable lui fit comme un

  1. Les jeunes filles de Lacédémone allaient, dans le bourg de Carya, faire, autour de la statue de Diane Caryatide, des danses à la manière de leur pays.