Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/551

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et elle finit par lui persuader d’en faire son épouse légitime. « Mets-toi au-dessus des lois et des opinions des Grecs, lui disait-elle : tu as été donné par Dieu aux Perses, pour loi et pour règle de tout ce qui est honnête ou vicieux. » Quelques historiens, entre autres Héraclide de Cumes[1], prétendent qu’Artaxerxès, outre cette première fille, en épousa une seconde nommée Amestris, dont nous parlerons bientôt. Son amour pour Atossa fut si grand après son mariage, que l’espèce de lèpre qui survint à la reine, et qui couvrit tout son corps, ne lui donna aucun éloignement pour elle. Il allait sans cesse dans le temple de Junon, se prosternait jusqu’à terre devant sa statue, et l’implorait pour sa femme. Par son ordre, ses satrapes et ses amis envoyèrent à la déesse une si prodigieuse quantité de présents, que l’espace compris entre le palais et le temple, qui était de seize stades[2] fut couvert d’or, d’argent, d’étoffes de pourpre et de chevaux.

Ayant déclaré la guerre aux Égyptiens, Artaxerxès nomma pour commander l’armée Pharnabaze et Iphicrate ; mais leurs divisions rendirent cette expédition inutile. Depuis il alla en personne contre les Cadusiens, à la tête de trois cent mille hommes de pied et de dix mille chevaux. Il entra dans leur pays, qui est âpre et difficile, toujours couvert de nuages, qui ne produit ni blé ni fruits, et qui ne nourrit ses belliqueux habitants que de poires et de pommes sauvages. La disette l’y surprit, et il se vit exposé aux plus grands périls. On ne trouvait rien à manger, et il était impossible de faire venir des vivres de nulle part : ses soldats ne se nourrissaient que de bêtes de somme, qui devinrent bientôt si rares, qu’on ne se procurait qu’à grand’peine une tête

  1. Tout ce qu’on sait de cet Héraclide, c’est qu’il avait écrit une histoire de Perse en cinq livres.
  2. Plus de trois quarts de lieue.