Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/569

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faire allait tirer en longueur : les échelles pliaient, s’ils ne montaient doucement et un à un ; cependant l’heure pressait, car déjà le chant du coq se faisait entendre ; et puis bientôt on allait voir arriver les gens de la campagne, portant leurs denrées au marché.

Aratus donc se hâte de monter, après s’être fait précéder par quarante de ses soldats ; ensuite, attendant encore quelques-uns de ceux qui étaient restés en bas, il marche incontinent avec eux au palais du tyran. Les gardes de Nicoclès passaient la nuit sous les armes : il tombe sur eux à l’improviste, les fait tous prisonniers, sans en tuer un seul, et envoie sur-le-champ chez ses amis, pour les presser de sortir de leurs maisons et de le venir joindre. Ils accoururent de tous côtés, comme le jour commençait à paraître ; et en peu d’instants le théâtre fut rempli d’une grande multitude, attirée là par un bruit vague, et ignorant encore ce qui s’était passé. Mais, un héraut s’étant avancé au milieu de la foule, et ayant crié qu’Aratus, fils de Clinias, appelait les citoyens à la liberté, alors on ne douta plus que l’événement attendu depuis si longtemps ne fût arrivé ; et aussitôt le peuple courut au palais du tyran, pour y mettre le feu. Les flammes qui s’élevèrent de cet incendie furent aperçues de Corinthe ; et les Corinthiens, ne sachant ce que ce pouvait être, furent sur le point d’aller au secours des Sicyoniens. Nicoclès prit la fuite à travers des souterrains, et sortit de la ville ; quant à l’incendie, les soldats, avec l’aide des habitants, l’éteignirent, et pillèrent le palais. Aratus n’empêcha point ce pillage : il fit même apporter et mettre en commun ce qui restait des richesses du tyran, pour les partager à ses concitoyens. Il n’y eut pas un seul homme de tué ni de blessé parmi ceux qui escaladèrent la muraille, ni même du côté des ennemis : la Fortune prit soin que cette entreprise ne fût souillée par le sang d’aucun des citoyens.