Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/572

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viennent d’eux-mêmes et sans culture. C’est ce que nous allons rendre sensible par les exemples.

Aratus donc, après s’être joint, lui et les siens, à la ligue achéenne, servit dans la cavalerie, où il s’acquit, par son obéissance, l’amitié des généraux. Et, quoi qu’il eût contribué, par sa propre réputation et les forces de sa patrie, à affermir cette ligue, il se montra néanmoins tout aussi soumis que le dernier des soldats au chef qui commandait les Achéens, soit qu’il fût de Dymé, de Trita, ou de toute autre ville plus petite encore. Le roi d’Égypte[1] lui ayant envoyé vingt-cinq talents[2], il les accepta, et les distribua sur-le-champ aux citoyens pauvres, tant pour racheter leurs prisonniers que pour subvenir à leurs besoins.

Cependant les bannis qui étaient rentrés dans Sicyone ne se prêtaient à aucune conciliation, et pressaient vivement la restitution de leurs biens ; et cette division menaçait la ville d’une ruine prochaine. Aratus, voyant qu’il n’y avait de remède que dans la libéralité de Ptolémée, résolut d’aller trouver ce roi, et de lui demander l’argent nécessaire pour terminer ces différends. Il s’embarqua donc à Méthone[3], au-dessus de Malée, pour se rendre de là en Égypte ; mais il s’éleva un vent si impétueux, et qui poussait les vagues sur son vaisseau avec une telle violence, que le pilote, s’abandonnant aux flots, fut jeté hors de sa route, et n’aborda qu’à grand’-peine à Adria[4], ville ennemie et occupée par Antigonus, qui y tenait une garnison. Aratus, pour éviter cette ville, se hâta de débarquer ; et, laissant là le vaisseau, il s’éloi-

  1. Ptolémée Philadelphe.
  2. Environ cent cinquante mille francs de notre monnaie.
  3. Ville de la Messénie.
  4. Ce nom paraît corrompu ; et l’on croit qu’il faut lire Andros, car on va voir les domestiques d’Aratus dire qu’il vient de s’enfuir en Eubée : or, l’Eubée était peu éloignée de l’île d’Andros.