Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/605

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avant de lever l’étendard de la révolte, ou de le tuer, ou de le retenir prisonnier. Aratus, pour ne faire paraître ni défiance ni soupçon, s’y rendit, conduisant lui-même son cheval par la bride. Dès qu’il parut, la plupart se levèrent, l’accablèrent d’injures et de sanglants reproches ; mais lui, avec un visage calme et d’un ton de douceur, il leur dit de se rasseoir, et de ne pas crier ainsi, debout et en désordre ; il fit même entrer ceux qui se tenaient à la porte ; mais, tout en continuant de leur parler, il s’éloigna peu à peu de la foule, comme s’il cherchait quelqu’un à qui remettre son cheval. Il se déroba de la sorte, sans qu’on soupçonnât son dessein, et sans cesser de parler avec calme à ceux qu’il rencontrait, pour les presser de se rendre au temple d’Apollon. Arrivé près de la citadelle, il monta sur son cheval ; et, après avoir donné ordre à Cléopatrus, qui commandait la garnison, de garder soigneusement la place, il courut à [toute bride vers Sicyone, suivi seulement de trente soldats, tous les autres l’ayant abandonné et s’étant dispersés de côté et d’autre. Les Corinthiens ne tardèrent pas à être informés de sa fuite : ils se mirent à le poursuivre ; mais, n’ayant pu l’atteindre, ils députèrent vers Cléomène, pour qu’il se rendît à Corinthe, et lui remirent leur ville. Cléomène ne jugea pas que ce fût un dédommagement suffisant de la perte d’Aratus, qu’ils avaient laissé échapper ; car, quand les habitants du canton nommé Acté[1] se furent joints à lui, et lui eurent livré leurs villes, il environna la citadelle d’une muraille et d’une palissade.

Cependant Aratus ne fut pas plutôt arrivé à Sicyone, que la plupart des Achéens se rendirent auprès de lui. Ils tiennent une assemblée : ils le nomment général avec

  1. Ce mot signifie rivage : l’Acté était le pays situé sur les côtes du Péloponnèse, aux environs de Corinthe.