Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/611

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nécessité, c’est, comme dit Simonide, douceur et non dureté d’accorder ce soulagement et cette satisfaction à un cœur qui souffre et qu’enflamme le ressentiment. Mais ce qui se fit ensuite dans la même ville est impossible à justifier : on ne peut attribuer aucun prétexte honnête à la conduite d’Aratus, ni l’excuser par le moindre motif de nécessité. Car, après qu’Antigonus eut donné Mantinée aux Argiens, et que ceux-ci, ayant résolu de la repeupler, l’eurent choisie pour y établir de nouveaux habitants, il fit décréter, pendant son commandement, que dorénavant la ville quitterait le nom de Mantinée pour prendre celui d’Antigonée, qu’elle porte encore aujourd’hui. C’est donc Aratus, ce semble, qui fut cause que l’aimable Mantinée, comme l’appelle Homère[1], ne subsiste plus, et qu’à sa place on a une ville qui porte le nom de ceux par qui elle a été détruite, et qui ont exterminé ses habitants.

Quelque temps après, Cléomène fut défait par Antigonus dans une grande bataille, près de Sellasie : il abandonna Sparte, et fit voile vers l’Égypte. Antigonus, de son côté, après avoir rempli, envers Aratue, tous les devoirs qu’exigeaient la justice et l’honnêteté, repartit pour la Macédoine : il y tomba malade presque aussitôt après son arrivée, et il envoya dans le Péloponnèse Philippe, à peine sorti de l’enfance, et qui devait lui succéder, en lui recommandant sur toutes choses de s’attacher à Aratus, et, lorsqu’il voudrait traiter avec les villes et se faire connaître aux Achéens, de n’agir que par ses conseils. Aratus fit à Philippe le meilleur accueil possible, et le mit dans des dispositions si favorables, qu’il retourna en Macédoine plein de bienveillance pour lui, et rempli de zèle et d’ardeur pour les intérêts de la Grèce.

Après la mort d’Antigonus, les Étoliens conçurent le

  1. Iliade, ii, 607.