Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/636

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Galba n’était plus qu’à vingt-cinq stades[1] de Rome, lorsqu’il rencontra un corps de matelots, attroupés en tumulte, qui occupaient le chemin, et qui l’environnèrent de tous côtés. C’étaient les matelots que Néron avait enrôlés, et dont il avait composé une légion. Ils s’étaient rassemblés sur le passage de Galba, afin de lui demander la confirmation de leur nouvel état, et empêchaient tous ceux qui étaient venus au-devant de lui de le voir et de s’en faire entendre. Ils poussaient de grands cris, demandaient des enseignes, et qu’on leur assignât une garnison. Comme l’empereur les renvoyait à un autre jour pour lui parler, ils prirent ce délai pour un refus de sa part, et firent éclater leur mécontentement : ils le suivirent, sans épargner les murmures ; et, quelques-uns ayant eu l’audace de tirer leurs épées, Galba les fit charger par sa cavalerie. Aucun d’eux ne résista : les uns furent foulés sous les pieds des chevaux, les autres massacrés dans leur fuite. Ce ne fut pas un heureux présage pour Galba d’entrer dans Rome au milieu d’un tel carnage et à travers tant de morts : jusqu’alors on l’avait méprisé comme étant un vieillard faible ; mais alors il parut à tout le monde un empereur redoutable.

En affectant une grande réforme dans les largesses et les prodigalités de Néron, il s’éloigna même de ce qu’exigeait la décence ; car un excellent musicien, nommé Canus, ayant un soir joué de la flûte à son souper, l’empereur le loua beaucoup et lui témoigna tout le plaisir qu’il avait eu à l’entendre ; puis il se fit apporter sa bourse, y prit quelques pièces d’or[2], et les donna à cet

  1. Environ cinq quarts de lieue.
  2. Suétone dit qu’il lui donna cinq deniers, qui équivalaient à peu près à cinq drachmes attiques, ou à 4 francs 50 centimes de notre monnaie. Mais il y en a qui font accorder le texte de Suétone avec celui de Plutarque, en disant que ces cinq deniers étaient d’or et non d’argent.