Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/637

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homme, en disant qu’il lui faisait cette gratification de son argent, et non des deniers publics. Il fit retirer rigoureusement aux musiciens et aux athlètes les dons que Néron leur avait faits, et ne leur en laissa que le dixième. On ne gagna que très-peu de chose à cette recherche, parce que la plupart de ceux qui avaient reçu ces présents les avaient déjà dépensés, comme c’est l’habitude de ces sortes de gens, qui sont presque tous sans conduite, et qui vivent au jour le jour. Il étendit alors son enquête sur ceux-là même qui avaient acheté ou reçu quelque chose d’eux, et les força de restituer. Et, comme cette affaire était sans bornes et s’étendait à un grand nombre de personnes, toute la honte en retomba sur l’empereur, et toute la haine sur Vinnius ; car Vinnius ne rendait l’empereur avare en vers les autres que pour profiter lui-même de ses richesses, et pour satisfaire ses passions en prenant et vendant tout. En effet, d’après ce conseil d’Hésiode :

Du tonneau qui commence ou qui finit, bois à ta soif[1]


Vinnius, qui voyait Galba vieux et infirme, voulut se gorger, pour ainsi dire, de la fortune de l’empereur, persuadé que, bien qu’elle commençât à peine, elle touchait à sa fin.

Cependant la conduite de Vinnius faisait grand tort au vieillard, d’abord parce qu’il administrait mal ses revenus, ensuite parce qu’il blâmait ou empêchait ses meilleures intentions, entre autres la punition des ministres de Néron. L’empereur fit mourir plusieurs de ces scélérats : de ce nombre furent Éléus, Polyclétus, Pétinus et Patrobius. Le peuple, en les voyant conduire au

  1. Les Travaux et les Jours, v. 366 ; mais Hésiode ajoute qu’il faut y puiser modérément quand il est au milieu.