Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/647

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d’or[1] auquel aboutissent tous les grands chemins d’Italie. Ce fut là que le rencontrèrent les premiers soldats qui venaient au-devant de lui ; et ils le proclamèrent empereur. Ils n’étaient, dit-on, que vingt-trois. Othon n’était pas timide, comme la mollesse de sa vie et la délicatesse de son tempérament auraient pu le faire croire : au contraire, il avait de l’audace et de l’intrépidité dans les périls ; mais, en voyant ce petit nombre d’hommes, la peur le prit, et il voulut renoncer à son entreprise. Les soldats l’en empêchèrent : ils environnèrent sa litière, tenant leurs épées nues, et ordonnèrent aux porteurs de marcher. Othon lui-même les pressait, et disait à tout moment : « Je suis perdu. » Plusieurs l’entendirent prononcer ces mots ; et ils furent plus surpris que troublés, en voyant si peu de gens entreprendre une chose si hardie. Comme il traversait le Forum, un nombre égal de soldats vint se joindre aux premiers ; puis ils arrivèrent successivement par bandes de trois et de quatre, et ils retournèrent au camp en l’appelant César, et en faisant briller leurs épées nues. Le tribun Martialis, qui avait, ce jour-là, la garde du camp, et qui ignorait le complot, étonné de ce mouvement inattendu et saisi de crainte, laissa entrer Othon. Il n’éprouva aucune résistance, parce que ceux qui ne savaient rien de la chose, ayant été enveloppés à dessein par les complices, et se trouvant dispersés un à un et deux à deux, suivirent les autres, d’abord par crainte, et ensuite de bonne volonté.

Galba apprit cette nouvelle pendant que le devin était encore au palais, et qu’il tenait dans ses mains les entrailles de la victime ; de sorte que ceux-là même qui

  1. Colonne d’or qu’Auguste avait fait élever, et sur laquelle étaient marqués tous les grands chemins de l’Italie, avec leurs mesures en milles.