Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/664

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Othon s’en retourna sur-le-champ à Brixille[1] ; mais ce fut une grande faute de sa part, non-seulement en ce que cette retraite ôta à ses troupes la honte et l’émulation que sa présence leur aurait inspirées, mais encore parce qu’ayant emmené avec lui, pour la garde de sa personne, les meilleurs et les plus zélés des cavaliers et des gens de pied, il coupa, pour ainsi dire, le nerf de son armée. Vers ce temps-là, il se livra, entre les deux armées, un combat sur les bords du Pô, pour un pont que Cécina voulait jeter sur ce fleuve, et à la construction duquel les troupes d’Othon prétendaient s’opposer. Mais, n’ayant pu y parvenir, elles remplirent plusieurs bateaux de torches enduites de poix et de soufre, y mirent le feu, et les abandonnèrent ensuite au vent, qui les poussa sur les ouvrages des ennemis. Il s’éleva d’abord une épaisse fumée, et bientôt après une flamme si considérable, que les vitelliens, saisis de frayeur, se précipitèrent dans le fleuve, renversèrent leurs navires, et se livrèrent ainsi aux coups et à la risée des ennemis. Mais les troupes de Germanie allèrent charger les gladiateurs d’Othon, pour leur disputer une petite île située au milieu du Pô, les repoussèrent, et en tuèrent un grand nombre.

Les soldats d’Othon qui étaient renfermés dans Bédriacum, irrités de cette défaite, demandent à grands cris qu’on les mène à l’ennemi. Aussitôt Proculus les fait sortir, et va camper à cinquante stades[2] de la ville ; mais il posa son camp d’une manière si ridicule, que, bien qu’on fût alors au milieu du printemps, et dans un pays arrosé de rivières et de sources qui ne tarissent jamais, il manquait d’eau. Le lendemain, quand il voulut mener

  1. On avait délibéré si l’empereur devait oui ou non se trouver en personne à la bataille. Paulinus et Marius Celsus, malgré leur désir, n’osèrent s’opposer à la retraite d’Othon pour ne pas avoir l’air de vouloir l’exposer au danger.
  2. Environ deux lieues et demie.