Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rement ses projets, et ne se tenait pas de lancer contre les alliés ses brocards et ses bons mots. Il se promenait toute la journée dans le camp d’un air sérieux et morne ; mais il ne laissait échapper aucune occasion de faire rire ceux qui en avaient le moins d’envie. Je ne crois pas inutile de rapporter ici quelques-uns de ces traits d’esprit.

Domitius voulait élever au grade de capitaine un homme peu fait pour la guerre, et vantait la douceur et l’honnêteté de ses mœurs. « Que ne le gardes-tu, dit Cicéron, pour élever tes enfants ? » Théophane de Lesbos[1] était intendant des ouvriers du camp ; et, comme on le louait de la manière dont il avait consolé les Rhodiens, après la perte de leur flotte : « Qu’on est heureux, dit Cicéron, d’avoir un Grec pour capitaine ! » César l’emportait dans presque toutes les rencontres, et tenait Pompée comme assiégé. « On annonce, dit Lentulus, que les amis de César sont tout tristes. — Veux-tu dire, répondit Cicéron, qu’ils sont mal disposés pour César ? » Un certain Marcius, nouvellement arrivé d’Italie, disait que le bruit courait dans Rome que Pompée était assiégé. « Tu t’es donc embarqué tout exprès, dit Cicéron, pour venir t’en assurer par tes propres yeux ? » Après la défaite de Pompée, Nonnius disait : « Ayons bon espoir, il reste encore sept aigles dans le Camp de Pompée. — Tu n’aurais pas tort, répliqua Cicéron, si nous avions à combattre contre des geais. » Labiénus[2], plein de confiance en certaines prédictions, soutenait que Pompée finirait par être vainqueur. « Pourtant, dit Cicéron, c’est avec cette ruse de guerre que nous avons perdu notre camp. »

  1. Celui qui écrivit l’histoire de Pompée.
  2. Celui qui avait été lieutenant de César dans les Gaules, et qui l’avait abandonné dans la guerre civile.