Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
SENTENCES DE THÉOGNIS DE MÉGARE

sus, ô mon ami, et quelque jour tu te souviendras de moi (93-100).

Ne te laisse persuader par personne, Cyrnus, de prendre un méchant pour ami. De quel avantage te serait l’amitié d’un tel homme ? il ne te sauverait point de la peine, de la ruine ; ce qu’il y aurait de bien, il ne t’en ferait point part. Celui qui oblige des méchants, compterait vainement sur leur reconnaissance. Autant vaudrait ensemencer les blanches vagues de la mer. Ni la semence dans la mer ne peut produire les riches moissons, ni le bien fait aux méchants rapporter un bien pareil. Les méchants ont un cœur insatiable. Qu’on leur refuse une seule chose, et tous les bienfaits d’autrefois s’échappent de leur âme ingrate. Pour les hommes de bien, ils se sentent comblés par un bienfait ; ils en gardent la mémoire, ils s’en montrent plus tard reconnaissants (101-112).

Il ne faut jamais faire d’un méchant son ami ; il faut le fuir constamment, comme un port dangereux (113-114).

On ne manque pas de compagnons pour manger et pour boire ; mais, pour les choses sérieuses, on en trouve beaucoup moins (115-116).

Rien de difficile à connaître comme un homme aux fausses couleurs ; rien, Cyrnus, ne demande plus de prudence (117-118).

De l’or, de l’argent faux causent une perte légère et dont l’homme avisé se garde facilement. Mais si un ami cache dans son sein une âme trompeuse, un cœur artificieux, c’est la fraude la plus perfide par laquelle Dieu ait voulu abuser les mortels ; il n’en est pas de plus pénible à pénétrer. On ne peut là-dessus former de conjecture vraisemblable ; trop souvent notre esprit est dupe de l’apparence (119-128).