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SENTENCES DE THÉOGNIS DE MÉGARE

qu’on se tienne auprès de lui pour remplir sa coupe. Toutes les nuits ne revient pas l’occasion de réjouir. Pour moi, qui mets des bornes au plaisir du vin, je me souviendrai du sommeil, soulagement de nos maux, et m’en retournerai chez moi. Je n’en montrerai pas moins que le vin offre à l’homme un bien agréable breuvage, car je ne suis ni sobre ni intempérant. L’homme qui boit outre mesure ne gouverne plus sa langue ni son esprit. Il tient des discours sans fin, dont rougissent les sages. Il n’a honte d’aucune action, dans son ivresse. De sage qu’il était, il est devenu insensé. Sache cela et garde-toi de boire avec excès : avant que vienne l’ivresse, lève-toi, de peur que ton ventre ne t’asservisse, ne fasse de toi comme un méchant esclave. Ou bien, si tu restes à table, abstiens-toi de boire. Mais toi, tu as toujours à la bouche ce misérable mot : « Verse. » Aussi tu t’enivres : il faut boire en l’honneur de l’amitié, ou pour répondre à un défi, ou pour offrir une libation aux dieux, ou parce que tu as la coupe à la main ; et toi, tu ne sais pas refuser. Le buveur indomptable est celui qui, ayant vidé force coupes, ne fera point entendre de vaines paroles. Amis, autour du cratère qui vous rassemble, ne tenez que des discours convenables ; éloignez de vous la dispute ; que l’entretien soit général, pour chacun et pour tous : de cette manière, un repas ne manque pas d’agrément (467-496).

Le vin agit également sur le fou et sur le sage : bu sans règle, il leur rend l’esprit léger (497-498).

Si c’est par le feu que les habiles éprouvent l’or et l’argent, c’est par le vin qu’est mis à l’épreuve l’esprit de l’homme, et même de l’homme sensé ; quand il boit