Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

la rigueur se concilier avec celle d’Hérodote, en ce sens qu’Homère et Hésiode représentent, dans ce qu’ils ont de commun, un seul et même grand développement de la poésie grecque, encore exclusivement épique, et dans leurs différences, les phases distinctes et les divers théâtres de ce développement : en Ionie, l’épopée héroïque et historique ; en Béotie, l’épopée morale et didactique. Le chantre d’Ascra, dans le poème que nous venons de citer, le seul que ses compatriotes voulussent reconnaître pour son œuvre, se place évidemment à une plus grande distance qu’Homère ne fait de l’âge des héros, devenus chez Hésiode des demi-dieux ; il déplore la fatalité qui l’a jeté au milieu du cinquième âge du monde, âge de crimes et de misères, où l’on croit entrevoir les symptômes de la crise politique qui suivit les bouleversements de l’invasion dorienne et qui, du xe au viiie siècle, transforma en aristocraties la plupart des petites monarchies quasi féodales de la Grèce héroïque. La vie civile est ici beaucoup plus avancée, et le peuple y tient une place déjà plus importante ; le travail y est en honneur, surtout le travail des champs, et le but principal du poète est de le faire prévaloir comme la condition même de l’homme sur la terre. Qui plus est, le secret de cette condition est recherché jusque dans l’origine du mal caché sous le voile transparent du fameux mythe de Prométhée et de Pandore ; et là se montre, aussi bien que dans la succession des cinq âges, aussi bien que dans la doctrine des démons qui s’y rattache, un degré d’abstrac-