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NOTICE SUR TYRTÉE

Tyrtée[1]. Quelques-uns veulent même que Tyrtée ait été l’inventeur du triple chœur des jeunes gens, des hommes faits et des vieillards, s’exaltant à l’envi par l’éloge de leur valeur passée, présente et future. Ce qui est plus sûr, c’est qu’indépendamment de ses élégies belliqueuses, Tyrtée avait composé, non plus en dialecte ionien ou homérique, mais en dialecte dorien et populaire, de véritables chansons de guerre dans le mètre tout lyrique des anapestes, et que l’armée entonnait en chœur aux sons de la flûte, en marchant au combat, d’où vient qu’on les nomma embateria ou marches.

Mais la mission de Tyrtée ne se borna point là. En même temps qu’il conduisait les guerriers au combat, il apaisait les dissensions que les revers avaient suscitées entre les citoyens, et qui menaçaient Sparte de la plus dangereuse des révolutions. Comme des terres conquises dans la Messénie avaient été reprises, les propriétaires dépouillés demandaient à grands cris un nouveau partage des terres. Ce fut alors que Tyrtée parut sur la place publique, et qu’il récita en cadence la plus fameuse de ses élégies, une élégie toute politique, nommée pour cette raison Politeia ou la Constitution, et encore Eunomia, comme qui dirait la Légalité ou le Bienfait des

  1. Suivant Philochore, cité par Athénée, la réunion avait lieu le soir, à la fin du repas, et quand le péan avait retenti en l’honneur des dieux, l’élégie était chantée tour à tour par les convives, qui disputaient le prix décerné par le polémarque ; ce prix, tout à fait assorti à la simplicité des mœurs lacédémoniennes, était une part de viande choisie.