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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

regrette point ; car par là je crois devoir l’emporter sur tous les hommes. »

Cela prouve qu’avant même d’avoir publié ses lois, il jouissait d’une grande considération. Au reste, il rappelle lui-même dans ses poésies, les railleries qu’on faisait de lui pour avoir refusé la puissance souveraine :

« Certes, Solon ne s’est montré ni sage, ni avisé ; les dieux lui mettaient en main le bonheur et il ne l’a pas saisit ; le butin était dans les rêts, et voilà qu’il s’est détourné avec dépit au lieu de tirer à lui le filet tout chargé ; il faut qu’il ait perdu le raison et le sens, cela est clair, car en prenant pour lui ces immenses richesses, en régnant sur Athènes, ne fût-ce qu’un seul jour, il se fût procuré ensuite le plaisir d’être écorché vif et d’entraîner la ruine de sa famille. »

Voilà comment il fait parler sur son compte les gens du peuple et les méchants.

Mais le refus qu’il avait fait de régner ne le rendit pas plus lâche ni plus mou dans l’administration des affaires. Il ne céda rien par faiblesse aux citoyens puissants, et ne chercha pas dans ses lois à flatter ceux qui l’avaient élu. Il conserva tout ce qui lui parut supportable ; il ne voulut pas trancher dans le vif, et appliquer mal à propos des remèdes violents, de peur qu’après avoir changé et bouleversé toute la ville, il n’eût pas assez de force pour la rétablir et lui donner une meilleure forme de gouvernement. Il ne se permit que les changements qu’il crut pouvoir faire adopter par persuasion ou recevoir d’autorité, en unissant, comme il le disait lui-