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NOTICE SUR HÉSIODE

et jusqu’au xe siècle de notre ère, il y reste encore, dans le fond et dans la forme, avec toutes ces altérations plus ou moins récentes, d’assez frappants indices d’antiquité, une disposition assez simple, une couleur assez naïve, pour que ces caractères réunis expliquent à la fois les systèmes modernes et les contradictions sérieuses auxquelles ils commencent à donner lieu de nos jours.

En effet, l’erreur des systèmes auxquels nous nous contentons de faire allusion, nous paraît consister surtout dans un point de vue faussement critique, où, tout en distinguant les œuvres de la haute antiquité de celles des temps postérieurs, on leur demande des conditions d’art qu’elles ne peuvent remplir, tandis qu’on méconnaît d’autres conditions bien plus hautes sous l’empire desquelles elles furent produites et qui firent leur supériorité. Cet âge des Homère et des Hésiode, plus que ceux qui suivirent, fut capable de grandes créations poétiques, dont les matériaux, poétiques déjà, s’accumulaient depuis des siècles. C’est une époque de fécondité puissante, où l’imagination et la mémoire, l’inspiration et la réflexion s’allient dans des proportions inouïes, pour enfanter les premiers chefs-d’œuvre d’un art tout spontané. C’est le temps des naïves et merveilleuses synthèses de la foi et de la pensée, temps auquel ne saurait sans danger s’appliquer notre moderne esprit d’analyse. Aussi ne faut-il pas s’étonner de cette fausse direction qui égara la philologie, à la fin du dernier siècle, dans ses recherches les plus ingénieuses et les plus pro-