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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

décidée de l’idée à la forme, de l’infini au fini ; voilà le premier acte du grand drame de la Théogonie.

L’empire de Cronos et des Ouranides ou Titans commence, et avec lui une époque nouvelle. Mais il ne faut pas oublier que la Théogonie est une suite de généalogies en même temps qu’une épopée, un recueil de traditions aussi bien qu’un drame. Le poète reprend donc ici le fil généalogique et il revient sur ses pas pour nous faire connaître l’origine d’un certain nombre de puissances, déjà pour la plupart célébrées par ses prédécesseurs ; puissances physiques, ou morales, ténébreuses, pleines de mystère, d’une influence fatale sur le monde et sur la vie, et qu’il présente comme issues de la Nuit sans le concours d’un époux. C’est le Sort, la Destinée, la Mort, le Sommeil, les Songes ; puis le Rire et les Larmes ; ce sont les Hespérides, singulièrement jetées ici à côté des Parques et des peines divines (Kêres) ; c’est Némésis, qui s’en rapprochd davantage ; c’est la Fraude, l’Amitié, la Vieillesse, la Discorde. Suivent les funestes enfants de cette dernière, personnifications évidentes des fléaux qui pèsent sur l’humanité, à commencer par le Travail, l’Oubli, la Faim, à finir par le Serment, le pire de tous. Nous ne nions pas qu’il ne se rencontre çà et là, dans ce morceau, quelques vestiges d’interpolation, quelques altérations partielles ; mais nous pensons que, dans son ensemble, il fait partie intégrante, essentielle de la Théogonie, que c’est ici sa véritable place, et qu’il n’y a aucune raison