Page:Poésies de Malherbe.djvu/78

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Vous n’êtes seule en ce tourment
Qui témoignez du sentiment,
Ô trop fidèle Caritée !
En toutes âmes l’amitié
Des mêmes ennuis agitée
Fait les mêmes traits de pitié.

De combien de jeunes maris,
En la querelle de Pâris,
Tomba la vie entre les armes,
Qui fussent retournés un jour,
Si la mort se payoit de larmes,
À Mycènes faire l’amour !

Mais le destin, qui fait nos lois
Est jaloux qu’on passe deux fois
Au deçà du rivage blême ;
Et les dieux ont gardé ce don,
Si rare que Jupiter même
Ne le sut faire à Sarpédon.

Pourquoi donc, si peu sagement
Démentant votre jugement,
Passez-vous en cette amertume
Le meilleur de votre saison,
Aimant mieux plaindre par coutume
Que vous consoler par raison ?