Page:Poésies de Schiller.djvu/121

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d’où la vie doit sortir, le basalte brut attend la main qui le doit façonner, le torrent se précipite à travers les fentes du roc et se fraie un chemin sous les racines de l’arbre. Tout est ici sombre et terrible dans l’atmosphère déserte, l’aigle solitaire plane entre les nuages et le monde. Jusqu’à moi nul vent n’apporte le bruit des joies et des fatigues de l’homme, suis-je réellement seul ? Ah ! nature, je me retrouve dans tes bras, sur ton cœur, ce n’était qu’un rêve, un rêve effrayant, il se dissipe avec les images affreuses de la vie : je reprends une pensée plus pure à ton pur autel, je reprends l’heureuse confiance de la jeunesse. Sans cesse pour nous la volonté change le but et la règle, sans cesse nos actions se reproduisent sous une même forme ; mais toi, tu conserves avec une jeunesse éternelle et une beauté toujours nouvelle la vieille loi ; constamment la même, tu gardes à l’homme, entre tes mains, ce que l’enfant léger, ce que le jeune homme t’ont confié, tu nourris avec la même tendresse les différents âges. Sous le même ciel bleu, sur la même verdure les générations passent, se succèdent, et voyez le soleil qui nous sourit ; c’est encore le soleil d’Homère.