Page:Poésies de Schiller.djvu/155

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Dans le feu de tes yeux, je vois une joie se refléter. Je me considère en toi avec surprise ; par l’amitié qui nous lie, la terre riante me semble plus belle, et le ciel plus pur.

La douleur rejette ses anxiétés, essuie ses larmes pour se reposer doucement dans le sein d’un ami, et le ravissement qui nous oppresse s’ensevelit avec ardeur dans les regards éloquents d’un ami.

Si j’étais seul dans la création, je chercherais une âme dans les rochers, je les embrasserais. Je répandrais mes plaintes dans les airs, et je me réjouirais, pauvre insensé ! d’entendre les grottes répondre à mes accents de sympathie.

Dans la haine, nous ne sommes que des corps sans vie ; dans l’amour, nous sommes des Dieux. Nous aspirons à de douces contraintes, et ce besoin céleste monte de degré en degré dans l’échelle des êtres, et gouverne des esprits sans nombre.

Appuyés l’un sur l’autre, allons sans cesse plus haut, depuis le Mongol jusqu’au Prophète grec qui touche au dernier Séraphin ; allons dans notre marche heureuse jusqu’à ce que l’espace et le temps se perdent dans l’océan de l’éternelle splendeur.

Le Maître du monde ayant fait son œuvre sentit un vide ; il créa les esprits, heureux miroir de sa béatitude. Déjà il n’avait aucun semblable, l’empire des âmes étend autour de lui l’infini.