Page:Poésies de Schiller.djvu/81

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nous poursuivrons sans relâche le coupable, nous le poursuivrons jusque dans l’empire des ombres, et là nous ne l’abandonnerons pas encore. »

En chantant ainsi, les Euménides dansent leur ronde funèbre. Un silence de mort pèse sur toute l’assemblée comme si la Divinité était là présente ; et le chœur, poursuivant sa marche, s’en retourne à pas lents et mesurés dans le fond du théâtre.

L’âme de chaque spectateur semble flotter entre la vérité et le mensonge, et chacun rend hommage à cette puissance invisible et inexplicable qui veille dans l’ombre, mêle les fils de la destinée humaine, se révèle parfois au cœur inquiet, s’enfuit avant le jour.

Tout à coup on entend sur un des gradins les plus élevés une voix qui s’écrie : « Regarde, regarde, Timothée : les cigognes d’Ibicus ! » Au même instant on vit comme un nuage passer sur l’azur du ciel et une troupe de cigognes poursuivre son vol.

Ibicus ! ce nom ravive les regrets de tous les spectateurs, et ces paroles volent de bouche en bouche : « Ibicus, que la main d’un meurtrier égorgea et que nous avons pleuré ? Qui parle de lui ? Quel rapport y a-t-il entre lui et ces cigognes ? »

Et les questions redoublent ; un triste pressentiment passe rapide dans tous les esprits. « Faites at-