Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/102

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véritable qualité du personnage qui venait réclamer son hospitalité. À ne rien dire de plus, les pieds de son visiteur étaient d’une conformation bizarre ; il maintenait légèrement sur sa tête un chapeau d’une hauteur remarquable. À la partie postérieure de ses culottes, on pouvait observer un ballonnement agité ; les oscillations subites des pans de son habit à queue étaient un fait palpable. Jugez donc avec quel sentiment de satisfaction, Bon-Bon se trouvait tout à coup mis en rapport avec un personnage pour lequel il avait le respect le plus indéfini. Mais notre philosophe était trop diplomate pour laisser échapper la moindre marque des soupçons qui l’agitaient. Il n’entrait pas dans ses vues de paraître avoir conscience de l’honneur qui lui était fait ainsi à l’improviste. Il avait l’intention de faire causer son hôte, de lui soustraire quelque importante notion d’éthique, de mettre ce renseignement dans l’ouvrage qu’il allait publier et d’en faire profiter l’humanité tout en s’immortalisant. J’ajoute que le grand âge du visiteur, ses travaux de science morale, pouvaient bien lui avoir procuré la connaissance de quelque vérité neuve.

Poussé par ces motifs profonds, le philosophe pria son hôte de s’asseoir, pendant que lui-même s’empressait de jeter quelques fagots sur le feu et de placer sur la table remise sur son pied, quelques bouteilles de champagne. Ayant rapidement achevé ces préparatifs, il tira son fauteuil en face de celui de son visiteur, s’y assit et attendit que l’autre commençât la conversation.

Mais les plans les plus habilement ourdis sont souvent