Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/105

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péricrâne ? Voilà le point. Vous ne les voyez pas. Elle songe que nous admirons la longueur de sa queue et la profondeur de son esprit. Elle vient de décider que je suis le plus distingué des ecclésiastiques et vous le plus superficiel des métaphysiciens. Vous voyez bien que je ne suis pas tout à fait aveugle. Pour des personnes de ma profession, des yeux, comme vous l’entendez, seraient un simple embarras. À chaque instant, ils risqueraient d’être crevés par quelque fer à rôtir ou quelque fourche à remuer. Pour vous, je l’accorde, ces petites machines optiques sont fort nécessaires. Tâchez d’en bien user. Moi, ma vision, c’est l’âme.

dessus Sa Majesté se servit de vin, et versant une rasade à Bon-Bon, l’engagea à boire sans se gêner et à se considérer d’ailleurs comme chez lui.

— Un bien bon livre que le vôtre, Bon-Bon, reprit Sa Majesté en frappant d’un air protecteur sur l’épaule du philosophe. Celui-ci posait son verre, après avoir suivi à la lettre les ordres de son hôte. — Un bien bon livre, sur ma parole ; c’est un livre selon mon cœur ; cependant la façon dont vous avez divisé le sujet, pourrait être retouchée. — Plusieurs de vos principes me rappellent Aristote. Ce philosophe fut un de mes amis les plus intimes. Je l’aimais autant pour son affreux caractère que pour la désinvolture avec laquelle il commettait ses bévues. Il n’y a qu’une vérité solide dans tous ses écrits, et celle-là je la lui ai soufflée par compassion pour sa sottise. Je suppose, Bon-Bon, que vous savez parfaitement à quelle divine vérité morale je fais allusion.

— Je ne saurais…