Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/120

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est court, gros, avec de grands yeux bleus brillants ; ses cheveux et sa moustache sont d’un blond fade ; sa bouche est grande, mais agréable ; les dents sont belles ; son nez, à ce que je crois, est romain ; il y a quelque défaut de conformation à l’un de ses pieds ; son abord est franc et toute sa manière d’être est remarquable de bonhomie. En somme, par ses dehors, ses discours, ses manières, il ressemble aussi peu à un misanthrope, que quelque homme au monde que ce soit.

Nous avons séjourné ensemble, il y a environ six ans, à Earl’s Hotel, Providence, dans le Rhode Island, et je pense avoir causé avec lui, pendant trois ou quatre heures en tout et en plusieurs fois. Ses principaux sujets de conversation étaient ceux du jour. Rien de ce qui lui échappa ne me fit soupçonner son éminence scientifique. Il quitta l’hôtel avant moi, comptant aller à New-York et de là à Brême. Ce fut dans cette dernière ville que sa grande découverte devint connue. Voilà tout ce que je puis dire sur Von Kempelen, qui vient de devenir immortel. J’ai pensé que même ces quelques détails pourraient avoir de l’intérêt pour le public.

Il est à peu près certain que la plupart des rumeurs merveilleuses, mises en circulation sur cette découverte, sont de pures fables, dignes d’autant de crédit que l’histoire de la lampe d’Aladin ; et cependant, dans un cas de ce genre, de même que pour les mines de Californie, il est clair que la vérité peut bien être plus étrange que toute fiction. Le récit suivant, tout au moins, est si bien étayé de témoignages authentiques, qu’on peut le tenir pour vrai en toute confiance.