Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/139

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et le plus vrai qui ait jamais battu sous poitrine d’homme.

J’observai que sa carte se trouvait clouée sur trois cabines, et, me reportant à la liste des passagers, je trouvai qu’il avait pris des places pour lui-même, pour sa femme et ses deux sœurs. Les cabines étaient assez spacieuses et contenaient chacune deux couchettes, l’une au dessus de l’autre. Ces couchettes étaient si étroites qu’elles ne pouvaient suffire qu’à une personne. Cependant je ne m’expliquais pas que mon ami eût retenu trois cabines.

Je me trouvais justement, à cette époque, dans une de ces dispositions d’esprit fantasques, où de purs détails vous intriguent étrangement, et je confesse à ma honte que je m’occupai à construire quantité d’absurdes et sottes hypothèses sur la destination de la cabine surnuméraire. Cela ne me concernait pas, sans doute, et pourtant je n’en mettais que plus d’obstination à résoudre l’énigme. Enfin j’arrivai à une conclusion qui me fit me demander avec surprise pourquoi j’avais mis si longtemps à deviner.

— C’est une femme de chambre, naturellement, me dis-je, qui occupera la troisième cabine. Quel fou je suis de n’avoir pas songé plus tôt à cela. C’est si simple.

Et tout de suite, je consultai de nouveau la liste des passagers. Mais là, je vis clairement qu’aucune femme de chambre ne devait accompagner les Wyatt, quoiqu’en fait, l’intention première eût été d’en emmener une ; car les mots « et domestique » avaient été d’abord tracés et ensuite barrés.