Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/180

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avait plus d’arbres pour protéger les Indiens contre nos balles. De plus, le courant n’était pas très-rapide et nous pouvions nous maintenir au milieu du fleuve.

La troupe des Sioux, à ce qu’il apparut, n’était partie, que pour se procurer un interprète, qui se montra maintenant monté sur un grand cheval gris. Il entra dans l’eau, y pénétra aussi loin que sa monture eut pied, et nous cria en mauvais français de nous arrêter et de venir à terre. À cela je fis répondre par un des Canadiens que, pour obliger nos amis, les Sioux, nous voulions bien nous arrêter un moment et converser avec eux ; mais qu’il nous était impossible de débarquer, car nous ne pouvions le faire sans incommoder notre grande médecine (le Canadien, à ces mots montra notre canon) qui était désireuse de ne pas interrompre son voyage et à laquelle nous craignions de désobéir.

À cette réponse, les Indiens, recommencèrent leurs chuchotements agités et leur gesticulation, paraissant ne plus savoir que faire.

Sur ces entrefaites, les barques avaient été mises à l’ancre dans une situation favorable. J’étais résolu à combattre, si cela était nécessaire, et à donner à ces brigands une leçon qui leur inspirât une crainte salutaire pour l’avenir. Je réfléchis qu’il était presqu’impossible de rester en bons termes avec ces Sioux qui étaient nos ennemis dans l’âme, et qui ne pouvaient être retenus de nous piller et de nous assassiner que par l’expérience de nos forces. Si nous accédions à leur demande présente d’aller à terre, et si nous réussissions même à nous acquérir une sécurité momentanée par des dons et des concessions,