Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

variété, mais nous n’en tuâmes pas. Nous étions sûrs que les chasseurs en rapporteraient à bord plus qu’il ne nous en faudrait et je n’aime pas à tuer par caprice. En revenant, nous tombâmes sur deux Indiens de la tribu des Assiniboïns, qui nous accompagnèrent jusqu’aux barques. Ils ne montrèrent aucune méfiance pendant la route, mais au contraire se comportèrent avec nous hardiment et franchement. Nous fûmes donc très surpris, en arrivant à un jet de pierre de la pirogue, de les voir se retourner tous deux et partir vers la prairie en courant de toutes leurs forces. Parvenus à une bonne distance, ils s’arrêtèrent et grimpèrent sur une butte qui commandait la vue sur la rivière. Là, ils s’étendirent à plat ventre et, reposant leurs mentons sur leurs mains, semblèrent nous regarder avec le plus profond étonnement. Au moyen d’une longue vue, je pus observer leurs physionomies qui étaient empreintes de stupéfaction et de terreur. Ils continuèrent à nous regarder longtemps. Enfin, comme frappés d’une pensée soudaine, ils se levèrent à la hâte et se mirent à fuir rapidement dans la direction d’où nous les avions vus venir d’abord.

5 Mai. Comme nous nous mettions en route, de très-bonne heure, ce matin, une grosse troupe d’Assiniboïns se précipita tout à coup sur nos bateaux et réussit à s’emparer de la pirogue. Personne ne s’y trouvait, excepté Jules, qui se sauva en se jetant à l’eau et en nageant vers la barque que nous avions poussée loin du bord. Les Indiens étaient guidés par les deux guerriers qui nous avaient visités la veille. Leur troupe avait dû s’approcher de nous à la dérobée. Car nos sentinelles