Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/223

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blâmé, s’il croit qu’aucune splendeur ne surpasse celle de la lune ; celui qui n’a vu ni lune, ni soleil, ne peut être blâmé s’il s’étend sur l’éclat incomparable de l’étoile du matin. » Or, c’est le devoir du critique de prendre un essor assez vigoureux, pour voir le soleil, même quand l’orbe s’en trouve bien au-dessous de l’horizon ordinaire.


XX


Defoë aurait mérité de rester immortel, même s’il n’avait pas écrit Robinson Crusoë. Et cependant ses nombreux autres et excellents écrits, ont presque disparu à nos yeux dans l’éclat supérieur des aventures attribuées au marinier d’York. Quelle meilleure gloire l’auteur aurait-il pu désirer pour son récit, que celle dont il jouit depuis si longtemps ? Son livre est devenu un objet familier dans presque toutes les maisons de la chrétienté. Et cependant jamais l’admiration, admiration universelle, n’a été accordée avec moins de connaissance et de discernement. Pas une personne sur dix, pas une sur cinq cents, ne s’imagine le moins du monde, en parcourant Robinson Crusoë, qu’aucune parcelle de génie ni même de talent moyen a servi à le créer. On ne considère pas Robinson Crusoë comme une œuvre littéraire. Defoë ne