Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/23

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que le nombre de ses amis dépassait celui de ses ennemis. C’est une erreur à noter. Toute cette polémique est remarquable, et caractérise la manière de Poe, qui n’est pas excellente. Son argumentation est trop diffuse, parfois triviale, et se perd en subtilités.

Il publia plus tard quelques articles de critique. On peut relever parmi ceux-ci une apologie de Machiavel « l’homme à la pensée profonde, de grande sagacité, de volonté indomptable, sans rival à son époque pour la connaissance sinon du cœur humain, du moins du cœur italien » ; et une critique théâtrale où, à propos d’une actrice, il eut le grand orgueil de dire : « Celui qui écrit ces lignes est lui-même le fils d’une actrice et s’en est invariablement vanté. Un comte n’est pas plus fier de sa noblesse, que lui de descendre d’une femme, qui, quoique de bonne famille, n’a pas hésité à consacrer à la scène sa brève carrière de génie et de beauté. »

L’année 1845 fut la meilleure de sa vie. Il y poursuivit ses Marginalia, commencés dès la fin de 1844, continués jusqu’à sa mort et parus par fragments dans diverses revues. Il s’en est ainsi perdu un grand nombre, que M. Ingram est occupé à recueillir. Puis vint la Lettre volée, Silence, Petite discussion avec une momie, la Puissance de la Parole, Lenore, le Cœur révélateur, l’Île de la Fée, le Système du professeur Plume et du docteur Goudron, la Révélation magnétique, et, en Novembre, le Cas de M. Valdemar, que le public s’obstina à croire un récit vrai.

Son œuvre principale, qui lui donna d’un coup plus de renommée que tous ses contes, son poëme du Corbeau publié en janvier 1845, magistralement traduit en prose par Baudelaire, puis plus fidèlement par M. Stéphane Mallarmé. La sensation que cette pièce de vers produisit, fut intense. En peu de semaines il en parut des imitations et