Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/268

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il nous plaît. C’est une tâche difficile et presque impossible de penser comme si nous ignorions ce que nous savons, comme si ce qui est accompli ne l’était pas encore. Notre incapacité imaginative, notre répugnance qui en résulte à recommencer notre vie, nous autorisent-elles d’aucune manière à conclure que dans l’existence réelle, proprement dite, le mal l’emporte sur le bien ?

Pour que la personne âgée de Volney fût un juge équitable et choisît en connaissance de cause, pour que ce jugement, ce choix pussent nous permettre d’en déduire la comparaison exacte du bien et du mal dans l’existence, il nous faudrait un vieillard capable d’apprécier sûrement les espérances qu’il est conduit à négliger, mais qu’il éprouverait assurément aussi fortes qu’autrefois, en repassant par son existence. Il faut aussi que ce vieillard écarte les craintes de son déclin qui lui montrent de près les maux survenants, maux qui lui seraient cachés s’il recommençait à vivre. Quel mortel est jamais parvenu à remplir ces conditions ? Quel mortel a jamais été capable d’un choix juste ? Et comment, de décisions mal fondées, pouvons-nous tirer des conclusions propres à nous guider sûrement ? Comment avec de l’erreur faire de la vérité ?