Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/29

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sique. Poe estimait beaucoup cette œuvre, la considérant comme scientifiquement vraie et comptant qu’elle ferait date dans l’histoire de la pensée humaine. Il en parlait constamment dans ses lettres, dans ses conversations. Quand il porta son manuscrit chez un libraire, « il semblait éprouver, nous dit ce dernier, une émotion solennelle. Il me dit que les découvertes de Newton comparées à celles révélées dans son livre, étaient insignifiantes ; que dès son apparition celui-ci susciterait un intérêt si intense et si unique, que son éditeur pourrait abandonner toute entreprise et faire de la publication d’Eureka l’œuvre de sa vie ; qu’il conviendrait pour commencer d’en tirer 50,000 exemplaires, etc. »

M. Putnam se laissa persuader et publia Eureka, mais à 500 exemplaires. Ce livre d’astronomie transcendante fut accueilli par une indifférence générale. Les savants et les philosophes le dédaignèrent comme écrit par un auteur de nouvelles, et le public s’en détourna comme trop abstrus. Cependant la vente en rapporta quelque argent, et Poe eut l’idée d’aller faire dans le Sud une tournée de conférences, dans l’espoir de recueillir, auprès de ses anciens amis, des fonds pour son magazine.

Il revint encore sans avoir rien accompli et reprit sa vie retirée à Fordham. Il ne voyait guère, à cette époque, outre Mme  Clemm, que Mme  Shew. Les chaleurs de l’été, peut-être des excès amenés par ses déceptions successives, l’avaient de nouveau mis dans un état pitoyable. Un jour, ne pouvant écrire, il était allé voir Mme  Schew et avait composé quelques vers chez elle.


« Puis, dit cette dernière, mon frère emmena M. Poe dans sa chambre où celui-ci dormit douze heures. À son réveil, il ne se rappela pas ce qu’il avait fait. Ceci démon-