Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/10

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jeune épouse du vieux roué Mentoni, la mère du bel enfant (son premier et unique espoir) qui, enseveli sous cette eau trouble, songe avec angoisse aux douces caresses maternelles, et épuise sa frêle existence en vains efforts pour invoquer un nom chéri.

Elle reste isolée au milieu des groupes formés à l’entrée du palais. Ses petits pieds nus et argentés se reflètent dans le miroir de marbre noir du perron. Ses cheveux, presque à moitié défaits pour la nuit au sortir de quelque bal, et où scintille encore une pluie de diamants, s’enroulent, se tordent autour de sa tête classique en boucles d’un noir bleuâtre, qui imitent les reflets de l’hyacinthe. Une draperie blanche comme la neige, légère comme la gaze, semble seule couvrir son corps délicat ; mais pas un souffle ne vient animer la lourde atmosphère de cette chaude nuit d’été, ni agiter les plis de la robe vaporeuse qui retombe autour d’elle comme son vêtement de marbre autour de la Niobé cantique, Pourtant — fascination étrange ! — les grands yeux lumineux de la marquise ne s’abaissent pas sur la tombe qui vient d’engloutir son plus cher espoir : ils sont fixés dans une tout autre direction. Le donjon de la vieille république est, j’en conviens, le monument le plus remarquable de Venise ; mais comment la