Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/107

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de vin de Champagne, et qui partait à tout propos avec un pan pan, fizzz ! Comme ceci… »

Sur ce, l’orateur, avec beaucoup d’inconvenance, selon moi, mit son pouce droit dans sa joue gauche et le retira avec un bruit qui imitait la détonation d’un bouchon ; puis, par un adroit mouvement de la langue contre les dents, il produisit un aigre sifflement qui dura plusieurs minutes et ressemblait au bruit du champagne qui s’échappe en moussant. Cette conduite, je le vis clairement, déplaisait à M. Maillard ; mais il ne dit rien, et l’entretien fut continué par un petit monsieur très-maigre, coiffe d’une grande perruque.

« Et n’allons pas oublier, dit-il, ce benêt qui voulait se faire accepter pour une grenouille, — animal avec lequel, par parenthèse, il avait plus d’un point de ressemblance. Je voudrais que vous l’eussiez rencontré (ce vieux s’adressait à moi) ; cela vous aurait égayé l’âme de voir avec quelle vérité d’expression il imitait le batracien. Monsieur, si cet homme-là n’était pas une grenouille, tout ce que je puis dire, c’est qu’hélas ! il avait manqué sa vocation. Son coassement, — o… o… o… ouh !… o… o… o… ouh ! était la note la plus ravissante du monde. Un vrai si de basse-taille. Et quand il se carrait ainsi, les coudes sur la table, après avoir bu quelques verres de vin, et se gonflait la bouche