Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/32

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d’Éléonore, et se dérobait dans de capricieux méandres, pour disparaître enfin, par un ravin ombreux, dans des collines plus indistinctes encore que les hauteurs d’où elle était sortie. Nous l’avions surnommée la rivière du Silence, tant son cours tranquille invitait au repos.

Elle ne laissait pas échapper le plus léger murmure ; elle serpentait si doucement que les cailloux, que nous aimions à contempler tout au fond de son lit, loin de remuer, conservaient une immobilité satisfaite et brillaient comme des perles sans jamais changer de place.

Les bords de la rivière, ceux de maint ruisseau étincelant qui venait s’y jeter après de nombreux détours, l’espace compris entre ces bords et les profondeurs mêmes des courants jusqu’aux lits de cailloux du fond, la surface entière de la vallée, depuis la rivière jusqu’aux montagnes environnantes, étaient tapissés d’une herbe veloutée, verte, épaisse, peu élevée, parfaitement unie, exhalant un parfum de vanille et si émaillée de boutons d’or, de marguerites blanches, de violettes pourpres, d’asphodèles d’un rouge de rubis, que la vive beauté de ce parterre parlait à nos cœurs, en termes pleins d’éloquence, de l’amour et de la gloire de Dieu.

Et çà et là, au milieu de cette herbe, se dres-