Page:Poe - Derniers Contes.djvu/138

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Juste à cinq heures, vingt-cinq minutes de l’après-midi, l’énorme aiguille avait accompli la partie de sa terrible révolution suffisante pour couper le peu qui restait de mon cou. Je ne fus pas fâchée de voir la tête qui m’avait occasionné un si grand embarras se séparer enfin de mon corps. Elle roula d’abord le long de la paroi du clocher, puis alla se loger pendant quelques secondes dans la gouttière, et enfin fit un plongeon dans le milieu de la rue.

J’avouerai candidement que les sensations que j’éprouvai alors revêtirent le caractère le plus singulier — ou plutôt le plus mystérieux, le plus inquiétant, le plus incompréhensible. Mes sens changeaient de place à chaque instant. Quand j’avais ma tête, tantôt je m’imaginais que cette tête était moi, la vraie signora Psyché Zénobia — tantôt j’étais convaincue que c’était le corps qui formait ma propre identité. Pour éclaircir mes idées sur ce point, je cherchai ma tabatière dans ma poche ; mais en la prenant, et en essayant d’appliquer selon la méthode ordinaire une pincée de son délicieux contenu, je m’aperçus immédiatement qu’il me manquait