Page:Poe - Les Poèmes d’Edgar Poe, trad. Mallarmé, 1888.djvu/175

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Révélation très piquante, quand on se souvient de ce qui, un instant, se dépensa de notre vitalité littéraire à défendre comme à attaquer la théorie poétique très neuve qui venait tout à coup d’une lointaine Amérique. Peut-être à tort, selon moi : car l’art subtil de structure ici révélé s’employa de tout temps à la disposition des parties, dans celles d’entre les formes littéraires qui ne mettent pas la beauté de la parole au premier plan, le théâtre notamment ; Ses facultés d’architecte et de musicien les mêmes en l’homme de génie, Poe, dans un pays qui n’avait pas à proprement parler de scène, les rabattit, si je puis parler ainsi, sur la poésie lyrique, fille avérée de la seule inspiration. Tout l’extraordinaire est dans cette application, nouvelle, de procédés, vieux comme L’Art. Y a-t-il, à ce spécial point de vue, mystification ? Non. Ce qui est pensé, l’est ; et une idée prodigeuse s’échappe des pages qui, écrites après coup (et sans fondement anecdotique, voilà tout) n’en demeurent pas moins congéniales à Poe, sincères. A savoir que tout hasard doit être banni de l’œuvre moderne et n’y peut être que feint ; et que l’éternel coup d’ailes n’exclut pas un regard lucide scrutant l’espace dévoré par son vol.