Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lait d’une maladie physique aiguë, — d’une affection mentale qui l’oppressait, — et d’un ardent désir de me voir, comme étant son meilleur et véritablement son seul ami, — espérant trouver dans la joie de ma société quelque soulagement à son mal. C’était le ton dans lequel toutes ces choses et bien d’autres encore étaient dites, — c’était cette ouverture d’un cœur suppliant, qui ne me permettait pas l’hésitation : en conséquence, j’obéis immédiatement à ce que je considérais toutefois comme une invitation des plus singulières.

Quoique dans notre enfance nous eussions été camarades intimes, en réalité, je ne savais pourtant que fort peu de chose de mon ami. Une réserve excessive avait toujours été dans ses habitudes. Je savais toutefois qu’il appartenait à une famille très ancienne, qui s’était distinguée depuis un temps immémorial par une sensibilité particulière de tempérament. Cette sensibilité s’était déployée, à travers les âges, dans de nombreux ouvrages d’un art supérieur, et s’était manifestée, de vieille date, par les actes répétés d’une charité aussi large que discrète, ainsi que par un amour passionné pour les difficultés, plutôt peut-être que pour les beautés orthodoxes, toujours si facilement reconnaissables, de la science musicale. J’avais appris aussi ce fait très remarquable que la souche de la race d’Usher, si glorieusement ancienne qu’elle fût, n’avait jamais, à aucune époque, poussé de la branche durable ; en d’autres termes, que la famille entière ne s’était perpétuée qu’en ligne directe, à quelques exceptions près, très insignifiantes et très passagères. C’était cette absence, — pensais-je, tout en rêvant au parfait accord entre le caractère des lieux et le caractère proverbial de la race, et en réfléchissant à l’influence que dans une longue suite de siècles on pourrait avoir exercée sur l’autre, — c’était peut-être cette absence de branche collatérale et la transmission constante de père en fils du patrimoine et du nom, qui avaient à la longue si bien identifié les deux, que le nom pri-