Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/131

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d’un modèle charmant, mais qui, par un manque de saillie, trahissait un manque d’énergie morale, — des cheveux d’une douceur et d’une ténuité plus qu’arachnéennes, — tous ces traits, auxquels il faut ajouter un développement frontal excessif, lui faisaient une physionomie qu’il n’était pas facile d’oublier. Mais actuellement, dans la simple exagération du caractère de cette figure et de l’expression qu’elle présentait habituellement, il y avait un tel changement, que je doutais de l’homme à qui je parlais. La pâleur maintenant spectrale de la peau et l’éclat maintenant miraculeux de l’œil me saisissaient particulièrement et même m’épouvantaient. Puis il avait laissé croître indéfiniment ses cheveux sans s’en apercevoir, et, comme cet étrange tourbillon aranéeux flottait plutôt qu’il ne tombait autour de sa face, je ne pouvais, même avec de la bonne volonté, trouver dans leur étonnant style arabesque rien qui rappelât la simple humanité.

Je fus tout d’abord frappé d’une certaine incohérence, — d’une inconsistance dans les manières de mon ami, et je découvris bientôt que cela provenait d’un effort incessant, aussi faible que puéril, pour maîtriser une trépidation habituelle, — une excessive agitation nerveuse. Je m’attendais bien à quelque chose dans ce genre, et j’y avais été préparé non seulement par sa lettre, mais aussi par le souvenir de certains traits de son enfance, et par des conclusions déduites de sa singulière conformation physique et de son tempérament. Son action était alternativement vive et indolente. Sa voix passait rapidement d’une indécision tremblante, — quand les esprits vitaux semblaient entièrement absents, — à cette espèce de brièveté énergique, — à cette énonciation abrupte, solide, posée et sonnant le creux ; à ce parler guttural et rude, parfaitement balancé et modulé, qu’on peut observer chez le parfait ivrogne ou l’incorrigible mangeur d’opium pendant les périodes de leur plus intense excitation.