Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/180

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— La beauté du jeu, — continua Hop-Frog, — consiste dans l’effroi qu’il cause parmi les femmes.

— Excellent ! — rugirent en chœur le monarque et son ministère.

C’est moi qui vous habillerai en orangs-outangs, — continua le nain ; — fiez-vous à moi pour tout cela. La ressemblance sera si frappante, que tous les masques vous prendront pour de véritables bêtes, — et, naturellement, ils seront aussi terrifiés qu’étonnés.

— Oh ! c’est ravissant ! s’écria le roi. — Hop-Frog ! nous ferons de toi un homme !

— Les chaînes ont pour but d’augmenter le désordre par leur tintamarre. Vous êtes censés avoir échappé en masse à vos gardiens. Votre Majesté ne peut se figurer l’effet produit, dans un bal masqué, par huit orangs-outangs enchaînés, que la plupart des assistants prennent pour de véritables bêtes, se précipitant avec des cris sauvages à travers une foule d’hommes et de femmes coquettement et somptueusement vêtus. Le contraste n’a pas son pareil.

— Cela sera ! » dit le roi

Et le conseil se leva en toute hâte, car il se faisait tard, pour mettre à exécution le plan de Hop-Frog.

Sa manière d’arranger tout ce monde en orangs-outangs était très simple, mais très suffisante pour son dessein. À l’époque où se passe cette histoire, on voyait rarement des animaux de cette espèce dans les différentes parties du monde civilisé ; et, comme les imitations faites par le nain étaient suffisamment bestiales et plus que suffisamment hideuses, on crut pouvoir se fier à la ressemblance.

Le roi et ses ministres furent d’abord insinués dans des chemises et des caleçons de tricot collants. Puis on les enduisit de goudron. À cet endroit de l’opération, quelqu’un de la bande suggéra l’idée de plumes ; mais elle fut tout d’abord rejetée par