Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/237

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— Grand homme ! dit Bentley.

— Âme divine ! dit Fraser.

— Un des nôtres ! dit Blackwood.

— Qui peut-il être ? dit mistress Bas-Bleu.

— Que peut-il être ? dit la grosse miss Bas-Bleu.

— Où peut-il être ? » dit la petite miss Bas-Bleu.

Mais je n’accordai aucune attention à toute cette populace, — j’allai tout droit à l’atelier d’un artiste.

La duchesse de Dieu-me-Bénisse posait pour son portrait ; le marquis de Tel-et-Tel tenait le caniche de la duchesse ; le comte de Choses-et-d’Autres jouait avec le flacon de sels de la dame, et Son Altesse Royale de Noli-me-Tangere se penchait sur le dos de son fauteuil.

Je m’approchai de l’artiste, et je dressai mon nez.

« Oh ! très beau ! soupira Sa Grâce.

— Oh ! au secours ! bégaya le marquis.

— Oh ! choquant ! murmura le comte.

— Oh ! abominable ! grogna Son Altesse Royale.

— Combien en voulez-vous ? demanda l’artiste.

— De son nez ? s’écria Sa Grâce.

— Mille livres, dis-je en m’asseyant.

— Mille livres ? demanda l’artiste d’un air rêveur.

— Mille livres, dis-je.

— C’est très beau ! dit-il en extase.

— C’est mille livres, dis-je.

— Le garantissez-vous ? demanda-t-il en tournant le nez vers le jour.

— Je le garantis, dis-je en le mouchant vigoureusement.

— Est-ce bien un original ? demanda-t-il en le touchant avec respect.

— Hein ? dis-je en le tortillant de côté.

— Il n’en a pas été fait de copie ? demanda-t-il en l’étudiant au microscope.