Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/248

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— Dieu me pardonne ! c’est un singe !

— Oui, vraiment ! — un babouin, — mais pas le moins du monde une déité. Son nom est une dérivation du grec simia ; — quels terribles sots que les antiquaires ! Mais voyez là-bas courir ce petit polisson en guenilles. Où va-t-il ? que braille-t-il ? que dit-il ? Oh ! il dit que le roi arrive en triomphe ; qu’il est dans son costume des grands jours ; qu’il vient, à l’instant même, de mettre à mort, de sa propre main, mille prisonniers israélites enchaînés ! Pour cet exploit, le petit misérable le porte aux nues ! Attention ! voici venir une troupe de gens tous semblablement attifés. Ils ont fait un hymne latin sur la vaillance du roi, et le chantent en marchant :

Mille, mille, mille,
Mille, mille, mille
Decollavimus, unus homo !
Mille, mille, mille, mille decollavimus
Mille, mille, mille !
Vivat qui mille, mille occidit !
Tantum vini habet nemo
Quantum sanguinis effudit
[1].

« Ce qui peut être ainsi paraphrasé :

Mille, mille, mille,
Mille, mille, mille,
Avec un seul guerrier, nous en avons égorgé mille !
Mille, mille, mille, mille,
Chantons mille à jamais !
Hourra ! — Chantons
Longue vie à notre roi,
Qui a abattu mille hommes si joliment !
Hourra ! Crions à tue-tête
Qu’il nous a donné une plus copieuse

  1. Flavius Vopiscus dit que l’hymne intercalé ici fut chanté par la populace, lors de la guerre des Sarmates, en l’honneur d’Aurélien, qui avait tué de sa propre main neuf cent cinquante hommes à l’ennemi. — E. A. P.