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Nouvelles histoires extraordinaires.

du troisième, le cinquième du quatrième, et ainsi de suite, sans aucune alternative possible, jusqu’à la fin. Mais, dans les échecs, l’incertitude du coup suivant est en proportion de la marche de la partie. Quelques coups ont eu lieu, mais aucun pas certain n’a été fait. Différents spectateurs pourront conseiller différents coups. Tout dépend donc ici du jugement variable des joueurs. Or, même en accordant (ce qui ne peut pas être accordé ) que les mouvements de l’Automate joueur d’échecs soient en eux-mêmes déterminés, ils seraient nécessairement interrompus et dérangés par la volonté non déterminée de son antagoniste. Il n’y a donc aucune analogie entre les opérations du Joueur d’échecs et celles de la machine à calculer de M. Babbage ; et, s’il nous plaît d’appeler le premier une pure machine, nous serons forcés d’admettre qu’il est, sans aucune comparaison possible, la plus extraordinaire invention de l’humanité. Cependant, son premier introducteur, le baron Kempelen, ne se faisait pas scrupule de le déclarer « une pièce mécanique très ordinaire, — une babiole dont les effets ne paraissaient si merveilleux que par l’audace de la conception et le choix heureux des moyens adoptés pour favoriser l’illusion ». Mais il est inutile de s’appesantir sur ce point. Il est tout à fait certain que les opérations de l’Automate sont réglées par l’esprit, et non par autre chose. On peut même dire que cette affirmation est susceptible d’une démonstration mathématique, à priori. La seule chose en question est donc la manière dont se produit l’intervention humaine. Avant d’entrer dans ce sujet, il serait sans doute convenable de donner l’histoire et la description très brèves du Joueur d’échecs, pour la commodité de ceux de nos lecteurs qui n’ont jamais eu l’occasion d’assister à l’exhibition de M. Maelzel.

L’Automate joueur d’échecs fut inventé, en 1760, par le barom Kempelen, gentilhomme de Presbourg, en Hongrie, qui postérieurement le céda, avec le secret de ses opérations, à son