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LA COMMISSION DU SÉNAT

l’Italie devait procéder à l’occupation de Tripoli et qu’elle attendait une réponse du gouvernement turc dans les vingt-quatre heures. Tittoni a avoué, contrairement à sa déclaration antérieure, que le roi et Giolitti, avant de prendre une résolution, lui avaient demandé son avis et qu’après réflexion il avait donné son assentiment à cette démarche. D’après ses paroles, la démarche de l’Italie est la conséquence directe et inévitable de la politique de Kiderlen. Quand l’Allemagne, en faisant abstraction de l’acte d’Algésiras, hâte la déclaration du protectorat français sur le Maroc et demande pour sa part des compensations, il ne reste plus à l’Italie qu’à réaliser, dès maintenant, les droits qu’elle s’était réservés sur la Tripolitaine. »

C’était bien ainsi, en effet, que les événements s’étaient enchaînés les uns aux autres avant mon arrivée au ministère. À peine le Panther avait-il jeté l’ancre devant Agadir que M. Giolitti, comme il l’a lui-même rappelé dans ses mémoires[1], fut tenté de « réaliser » l’idée maîtresse de son pays.

Autant que la politique allemande, la politique autrichienne avait, d’ailleurs, excité les appétits italiens. C’était l’Empire dualiste qui avait donné le plus scandaleux exemple des brusques coups de main, en annexant la Bosnie et l’Herzégovine, que le traité de Berlin l’avait seulement chargé d’administrer[2].

Dans une lettre que M. Jules Cambon m’adressait, plus tard, le 28 juillet 1912, il me rapportait

  1. G. Giolitti, Mémoire de ma vie. Paris, Plon-Nourrit.
  2. V. le remarquable ouvrage de M. Auguste Gauvain, l’Europe avant la guerre. V. également M. Jean Larmeroux, la Politique extérieure de l’Autriche-Hongrie, t. II, p. 112 et s. Plon-Nourrit.