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en ces termes une conversation qu’il avait eue avec M. de Bethmann-Hollweg : « Comme M. de Bethmann-Hollweg me disait que, par notre exemple au Maroc, nous avions entraîné l’Italie à Tripoli, j’ai pris la liberté de lui rappeler l’annexion de la Bosnie par son autre alliée, l’Autriche, « Mais, a-t-il repris, la question bosniaque était réglée depuis longtemps par toute l’Europe. — Oui, lui ai-je dit, l’Europe, avec plus ou moins de prévoyance, avait ouvert la porte à l’Autriche, mais celle-ci s’est installée dans la maison, sans le consentement que l’Europe ne lui avait pas refusé. Par là, elle a donné un mauvais exemple. Il n’y a plus de droit public. — C’est le sentiment de Marschall, m’a dit alors le chancelier, ceci pour vous seul : il considère et a toujours considéré que c’était une faute lourde que de n’avoir pas réglé la question bosniaque dans une conférence. »

Un Allemand de grande valeur, le professeur F.-W. Fœrster, a parlé avec une juste sévérité de « la force antieuropéenne qui annexa la Bosnie et l’Herzégovine, sans entente préalable avec les autres mandataires[1] ».

Le baron de Schœn lui-même a loyalement reconnu que les événements de 1908-1909 avaient eu pour conséquence un état de choses dangereux. « Il n’y a aucun doute, a-t-il écrit dans ses mémoires, que la crise bosniaque, quoique aboutissant à une solution pacifique et nous procurant un grand succès diplomatique, n’ait créé une situation qui n’ouvrait aucune perspective favorable pour l’avenir[2]. »

  1. Mes Combats, Imprimerie Strasbourgeoise.
  2. Schœn, Erlebtest, p. 81. Stuttgard et Berlin, 1921.