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LA COMMISSION DU SÉNAT

tisme musulman exposait la colonie italienne.

Le gouvernement turc répondit immédiatement par une offre de garanties économiques. Mais déjà le cabinet Giolitti était entraîné par l’opinion. La presse des deux mondes était remplie du récit des négociations franco-allemandes. La France allait avoir les mains libres au Maroc ; il importait peu qu’elle achetât cher cette liberté ; l’Italie avait droit à une compensation. Dès le mois d’août 1911, le Corriere d’Italia, la Stampa, avaient développé cette théorie[1].

Aux propositions turques, l’Italie répondit par un ultimatum, où elle annonçait sa résolution d’occuper militairement la Tripolitaine. Surpris dans sa quiétude par ce bruyant coup de tonnerre, Hakki Pacha lança désespérément des télégrammes à ses ambassadeurs et des notes aux puissances. Partout on lui conseilla la résignation[2].

Le 30 septembre, le Giornale d’Italia écrivait : « Nous avons confiance dans notre flotte. Nous sommes sûrs que la Méditerranée, qui est une mer romaine, génoise, vénitienne et sicilienne, sera bientôt sous la domination de l’Italie et laissera libre l’accès de Tripoli à notre armée. » Les premiers jours de la campagne encouragèrent cet optimisme. Il n’y avait en Libye que quatre mille soldats réguliers turcs, et une poignée d’officiers. Ils s’éloignèrent de la côte, pour échapper au feu des navires italiens, et les troupes de débarquement vinrent, pleines d’enthousiasme, camper sur les sables du littoral. Elles espéraient soulever les

  1. V. René Pinon, Revue des Deux Mondes, 1er juin 1942.
  2. V. général M. Moukhtar Pacha, op. cit. L’auteur était, en 1911, ministre de la Marine.